Pourquoi aime t’on certaines expositions plus que d'autres ? La notoriété de l'auteur, l'emplacement, la médiatisation donnent-ils la réponse ? Certainement, mais le plus important est peut-être la sincérité de l'auteur. Youry Bilak, après avoir réalisé de nombreuses séries sur l'Ukraine, PROJECTIO est un pavé dans la mare.
Projet qui a mis plus d'un an à se réaliser. L'idée première vint d'une rencontre lors d’un de ses déplacements dans la zone de conflit, dans le Donbass, en 2015. Pas pour un reportage sur les combats menés sur le front, Youry n'est pas un photographe de guerre. D'ailleurs, les photos qu'il ramenait du front n'intéressaient plus personne en France où, à cette époque, notre regard était tourné vers la Syrie. Au moment de Pâques, Youry voyageait avec un prêtre aumônier qu'il a suivi dans plusieurs endroits où il officiait. Dans un baraquement des soldats étaient là, réunis pour le repas pascal et la « Cène », celle de Léonard de Vinci s'est offerte à lui. Cette vision lui a montré le chemin et c'est ainsi qu'il a revisité vingt quatre des grands chefs d'œuvres intemporels pour nous rappeler l'Ukraine si proche de nous...
Entrer à cheval dans une église est l'apanage de glorieux chevaliers. Y entrer avec des tanks est insensé, sauf, si celui qui les accompagne n'est autre que le Petit Prince et l'homme qui a cru cela possible est Youry Bilak. Ici les apôtres laissent la place aux soldats ukrainiens sortis directement des caisses de munitions dont certaines portent les stigmates des impacts d'obus.
Les soldats se régénèrent sous les traits des plus grandes œuvres artistiques. Eugène Delacroix, Léonard de Vinci, Rembrandt, Van Gogh se sont accaparé les traits des soldats du Donbass et « Le Cri » de Munch retentit dans nos consciences. Avec «L'homme à l'oreille coupée » et la « Leçon d'anatomie » Youry Bilak nous fait découvrir la souffrance mais aussi la charité, l'esprit de corps, la douceur et la poésie, des moments de leur vie qu'il serait injuste de qualifier « empreints d'esthétisme».
Ici l'espérance de vie n'est pas à notre échelle. Du «soleil» qui se fane, courbé sur sa tige renaissent les bourgeons que le Petit Prince arrose d'une main tout en les protégeant de l'autre. Tous ces soldats font de même en protégeant la vie.
Merci à Youry Bilak pour ce témoignage qui nous implique dans un combat qui semble ne pas être le nôtre et qui pourtant défend nos libertés… malheureusement tellement d’actualité en 2024.
Daniel Leruste
Dufour
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