Artur, centre de rééducation Tytanovi, Kyïv, juin 2024
Après avoir travaillé à Kharkiv en tant que menuisier puis dans le bâtiment, il s’engage dans les Forces armées ukrainiennes en janvier 2023. L’été de la même année, près de Zaporijia, à Robotynè, il survit à un éclat d’obus qu’une boite de conserve dévie légèrement de sa trajectoire.
Quelques jours plus tard, le 21 août, il fait très chaud. Artur revient d’un assaut avec son équipe et se retrouve sous une pluie d’obus de mortiers. Il est 11 heures du matin et, lors d’un passage à découvert avec un coéquipier marchant dans ses pas, un obus tombe derrière eux et tue sur le coup son camarade qui l’a couvert de son corps. Malgré tout, Artur est violemment touché au bras droit par un éclat d’obus. Personne ne peut l’aider autour de lui et il met beaucoup de temps à se poser seul un garrot. Il a perdu beaucoup de sang. À la limite de l’évanouissement, il reste longtemps à reprendre ses esprits, d’autant plus qu’il est touché, moins gravement, à d’autres endroits du corps. Le feu ne cesse pas, les tirs proviennent de toute part. Il essaie de ramper, mais son bras blessé l’handicape et entrave sa progression. Allongé, sans force, sous un soleil de plomb, il suffoque de chaleur et se dit : « Si je reste ainsi, je vais agoniser longtemps. » Il pense à ses proches et se dit qu’il ne peut pas mourir ici ainsi.
Il se lève péniblement, les balles sifflent autour de lui. Il fait un pas, puis un autre… et, une vingtaine de mètres plus loin, il réussit à se mettre à couvert. Là, ses camarades viennent à son secours et le mettent sur un brancard de fortune. Il faut encore le porter sur une longue distance pour qu’il soit évacué. Les tirs continuent, les obus tombent, des drones volent au-dessus de leurs têtes.
Son bras lui fait atrocement mal maintenant, on lui donne des antidouleurs, mais l’effet ne dure que 30 à 45 minutes. Artur parle à son bras comme à un petit enfant : « Allez, sois sage, un peu de patience et tout ira bien. » Il y a aussi cette terrible soif que tous les blessés ressentent, aggravée par la chaleur.
Il faut 12 heures d’efforts pour parcourir 3 km et sortir, de nuit, de cet enfer. Puis, il est emmené à l’hôpital de Zaporijia où il est amputé.
Il est transféré d’hôpital en hôpital. À Lviv, Artur commence sa rééducation physique. Avant la guerre, il pratiquait la boxe, le football et le taekwondo. Il découvre maintenant le tir à l’arc avec la bouche. Il y trouve un grand plaisir, d’autant plus qu’il obtient rapidement d’excellents résultats. Lors d’une compétition à Lutsk, il remporte la première place. Il s’entraîne pour les championnats d’Ukraine et rêve de participer aux prochains Jeux paralympiques. Lorsqu’il en parle, ses yeux brillent d’espoir. Il aime dire : « Une chose est impossible jusqu’au moment où elle devient possible ».
Il est maintenant pris en charge par le centre de rééducation Tytanovi à Kyïv, qui planifie une reconstruction de son articulation de l’épaule. Celle-ci pourra, par la suite, recevoir un implant sur lequel une prothèse bionique pourra être installée. Celle-ci sera équipée d'intelligence artificielle qui analysera les demandes de mouvements d'Artur et lui donnera une certaine autonomie.