Vladyslav, Hidropark, Kyïv, juin 2024
Il est né à Beryslav, sur le fleuve Dnipro, au nord de Kherson. Il étudie la cybersécurité et ouvre sa propre entreprise.
Vladyslav est sous le choc lorsque, le 24 janvier 2015, la Russie bombarde la ville de Marioupol à l’aide de missiles Grad qui touchent des immeubles. 29 civils sont tués et 92 sont blessés. « J’ai vécu cela à distance comme une grande injustice. Autant les militaires savent qu’ils risquent leur vie pour en protéger d’autres, mais les civils… et combien d’enfants ? ». Ces images restent gravées en lui et l’influence fortement en 2018, lorsqu’il décide de s’engager dans la Garde nationale d’Ukraine.
Il suit une formation médicale de premiers secours et de pilotage de drones de reconnaissance. Il se trouve à Marioupol dès les premiers jours des bombardements, fin février 2022, et vit l'enfer de l'encerclement de la ville par les Russes.
Le 28 février, il est blessé par une balle qui lui traverse l’épaule, l'immobilisant pendant deux semaines. Ce qu’il avait vu sur les écrans trois ans auparavant, il le vit désormais au quotidien. « Je suis hanté par l’image de cette jeune fille de 16 ans qui est morte devant mes yeux, touchée par un éclat d’obus dans le cou… je n’ai rien pu faire ».
Dès qu’il le peut, il apporte de l’eau, de la nourriture et des médicaments aux plus démunis réfugiés dans les sous-sols.
« C’était une vision de désolation et d’impuissance ».
Il fait partie des derniers civils et militaires retranchés dans l’usine Azovstal (aciérie située dans la ville). Les bombardements sont incessants et d’une intensité indescriptible.
Le 30 avril, après 65 jours, les civils sortent des bunkers. Des négociations ont été menées et ils vont être évacués… mais cela ne signifie pas la fin de leurs souffrances. Ils passeront tous par un camp de filtration.
Pour plus d’informations, voir https://yourybilak.photodeck.com/-/galleries/dawn/-/medias/96fb0742-062e-47fe-be22-863f2f5c13d0-sviatoslav-6-mois-berlin-juillet-2022
Tout est rationné et il ne reste presque plus de médicaments. Le 15 mai au soir, Vladyslav est blessé à la jambe gauche et à l’œil droit par un obus antichar. « Je perdais beaucoup de sang mais ne ressentais aucune douleur. C’était sûrement le bon moment pour moi de tirer ma révérence après cette incroyable expérience épique qu’il m’a été donné de vivre. J’étais entouré de mes valeureux camarades avec qui nous avons tenu la ville pendant tant de jours… un honneur ». Il est présenté inconscient au médecin, qui, ne sentant plus son pouls, le déclare mort. Au moment de refermer le zip du sac mortuaire, une infirmière se penche sur lui, lui parle et voit une réaction. « Il est encore vivant ! » crie-t-elle. Il faut procéder à l’amputation sans anesthésie, car il n'y en a plus. « Mais comme j’étais pratiquement inconscient, je n’ai pratiquement rien senti ».
Trois camarades compatibles, déjà blessés et affamés, offrent leur sang pour une perfusion nécessaire. Il n’y a pas de récipient stérile, une bouteille d’eau vide en plastique fait l'affaire.
« Ce n’était visiblement pas encore mon heure ». Il continue : « On avait l’habitude d’aller placer les membres coupés dans un trou à l’extérieur. Mais lorsque la personne y est allée, elle est tombée sous des bombardements et n’a pas eu le temps de refermer ce trou. En y retournant plus tard pour le faire, un chien s’était servi. J’aime les chiens… eux aussi » conclut-il avec un sourire.
Le lendemain matin, le 16 mai 2022, après plus de 80 jours, tous les militaires ukrainiens présents dans l’usine Azovstal cessent le combat et se rendent à l’ennemi. Vladyslav sort sur une civière et les Russes l’emmènent dans un hôpital à Donetsk où il lui faudra attendre une semaine avant de recevoir des antibiotiques. « Au delà de la jambe, je souffrais énormément de l’œil dans lequel restait un éclat d’obus. Lorsque tu bouges un œil, l’autre bouge également ».
Deux mois après, il a la chance de faire partie d’un groupe d’environ 40 personnes qui feront l’objet d’un échange de prisonniers.
Vladyslav a découvert la plongée sous-marine et s'ouvre à de nouveaux horizons tout en aidant ses frères d’armes.
Il aime la phrase prononcée par Albus Dumbledore dans Harry Potter : « Qu’il en soit ainsi, notre travail est d’y faire face avec dignité ».