Rouslan, centre de rééducation Tytanovi, Kyïv, juin 2024
Originaire de Kropévnétsky, il se marie à l’âge de 17 ans avec Olena. Ils ont six enfants mais sa femme décède d’un cancer en 2017. Après le 24 février 2022 lors de l’invasion russe à grande échelle de l'Ukraine, il décide de s’engager. Au centre de recrutement il n’est pas accepté car sa responsabilité familiale est trop lourde (il a six enfants). Il leur dit : « Je préfère que ce soit moi qui parte plutôt que mes enfants soient obligés d’y aller plus tard. Plus on sera, plus vite on fera le travail, mieux cela sera ».
Avant la guerre, il pratique beaucoup l’activité physique, il se fait une salle de sport chez lui et il court régulièrement. Comme il est en excellente forme, il est intégré dans une unité d’intervention rapide contre les groupes de diversion ennemie qui sévissent dans la région de Kyïv le premier mois.
Après une formation de déminage, premiers secours sur champs de bataille il est affecté dans un groupe d’assaut, malgré les réticences de son commandement du fait de ses 6 enfants. Il leur dit : « J’en ai parlé avec eux, ils connaissent mon engagement. Je veux pourvoir me regarde dans le miroir ».
Il est donc envoyé sur des opérations spéciales sur le front de l’est vers Donetsk.
Le 10 octobre 2022, à Yampolivka, son équipe se met à l’abri des bombardements dans un sous sol, quand un missile transperce la partie supérieure et explose juste à côté d’eux. Ruslan est le seul survivant. Ses deux jambes sont touchées dont une ne tient que par le pantalon. Il appelle de l’aide à la radio mais il faut plus de 6 heures pour l’extraire et l’évacuer sous les bombardements et les tirs. Les secouristes ne veulent pas prendre le risque de lui donner des antalgiques de peur qu’il ne les supporte pas. Il voit sa vie défiler devant ses yeux, seul la vision de ses enfants le retient de ne pas sombrer.
Il est transféré à Kramatorsk pour amputation, puis dans la région de Dnipro, Lviv, Mukatchévo et de nouveau Lviv. Il subit beaucoup d’opérations dont des reconstructions et des autogreffes osseuses pour sa jambe droite. Il est alité durant 4 mois, il ne tient plus en place, il lui faut de l’exercice physique mais il apprend la patience. Après beaucoup d’efforts, il arrive à se tenir debout, une victoire enfin obtenue qui le rend plus optimiste.
Et enfin, il peut pratiquer la musculation, il revit. En décembre 2023, il part en Estonie à Tallinn où grâce à l’aide financière de volontaires ukrainiens et BGV Charity Fund, il reçoit une prothèse électronique pour sa jambe gauche. Il apprécie l’accueil que les Estoniens font aux ukrainiens.
Son cas reste très compliqué pour sa jambe droite. En avril 2024, il est pris en charge par le centre Tytanovi à Kyïv qui se concentre sur les cas les plus complexes.
« En 2022, je me suis fait tatouer sur l’avant bras un Trézoub (trident symbole de l’état ukrainien). Pour ce style de tatouage, beaucoup de prisonniers ont eu, à minima, le membre tranché par l’occupant. Je ne suis pas une personne qui me serait rendu, j’avais une grenade toujours prête… une dernière cartouche », il rajoute « sur l’épaule gauche, j’ai fait tatouer l’ange de la mort, car elle aura le dernier mot… c’est pourquoi, j’ai toujours voulu la regarder dans les yeux ».